Une
éclaboussure
Présentation de Abboud
MOHSEN
(né à Beyrouth le 14
avril 1963, il vit et travaille à Paris depuis 1981)
La précocité
n’est pas le seul mérite des premiers tâtonnements de Abboud Mohsen. Il faut
surtout remarquer que ce jeune peintre rompt déjà avec la tradition
essentiellement éclectique qui a pu masquer, chez quelques peintres de son pays
d’origine, l’absence de toute expérience authentique par un semblant d’évolution
purement formelle.
En
effet, deux étapes peuvent être visiblement distinguées dans l’œuvre de
Mohsen, qui sont les deux moments d’une même approche :
Le
point de départ peut être dans le seul fait de dessiner ;
c’est-à-dire tenir en respect une forme, dégager un visage ou un corps de la
réductibilité qui caractérise son devenir-monde, afin de tamiser la lumière
du vide. De ce vide. Alors le blanc, ou la promiscuité du visible, doit peser
lourd sur la forme (humaine ici) mise en évidence.
Cette
atmosphère – macabre, dira-t-on – n’est que l’expression de
l’intemporalité absolue entraînant une impossibilité de communiquer.
Ainsi
les personnages de Mohsen montrent une résignation hagarde, comme si quelque
chose de préalable leur a échappé. Des éclaboussures de couleurs vives
viennent alors contraster avec la rectitude de leurs formes ;
ce qui donne une expression doucereuse à ce mal qui se contient mal.
L’éclairage,
dans le deuxième moment de l’approche, occupera entièrement le tableau, ou
plutôt le tableau se résorbera dans l’éclaboussure :
elle représente un visage.
Ce
visage est comme craché sur le support, calfeutré ici, biffé là, et pour
rappeler la couleur vive de l’éclaboussure, il n’a que l’éclat de sa
moiteur. Le blanc ici est plus grand encore. Le visage est l’ourlet de ce vide ;
harcelé devant l’angoisse de ce qui ne se matérialise pas. La vie est le
fluide effacé par son abondance :
l’eau alimente le visage et la mort du visage.
C’est
pourquoi la couleur (noir, marron ou bleu passé) est comme mise entre parenthèse.
On arrivera difficilement à juger si ce rêve est en couleur ou bien en noir et
blanc !
Il
y a, enfin, que le visage tombe et que c’en est une chute en vrille, excluant
toute forme de salut, même tragique. Le travail du peintre revient à minuter
un mouvement spasmodique qui ne peut jamais devenir geste. Le visage-éclaboussure
grouille sous notre regard :
nous ne voyons que les soubresauts d’un gamète en déroute.
1981