Eclatés de boîtes

Présentation du peintre libanais Joseph HARB (né en 1964)

 

Assemblage dans une boîte, acrylique sur bois, 80x83x25cm, 1995  ©Photo Gilbert Hage

Lorsqu’à ses débuts Joseph Harb entama une première série d’aquariums il relevait sans doute le simple défi d’évoquer, par des moyens de plus en plus opaques, l’irréalisante transparence de l’eau. Aussi a-t-il réduit son poisson à l’état d’une esquisse légère sans qu’en rien il ait pu libérer  ses espaces d’un encombrement irréversible. L’espace était pour lui cette transparence d’autant plus perturbée qu’essayant de saisir l’insaisissable, il mettait tant d’obstination à en préciser les traits… Si le manque d’espace demeure un « point chaud »  de sa recherche picturale ce n’est pas tant parce que l’aquariophile s’est enfin identifié à ses poissons, mais plutôt parce que l’espace chez Harb est portraituré au lieu d’être occupé. Aussi a-t-il fait des portraits de montres. De la même manière, ces montres figuraient le manque de temps. Mais dans les deux cas ne s’agirait-il pas plutôt, quelque inconcevable et impraticable que cela pût paraître, d’une inversion de l’espace et du temps ?

 

Exondé, le poisson est devenu un miroir temporel. Son évocation picturale allait amener Harb à peindre de changeants mirages où nagent ces mirages de l’origine. La boîte qui entre-temps s’est imposée aurait pour rôle de fixer les limites où s’illimite le regard… Plutôt des éclatés de boîtes. Un déboîtement généralisé avec, pour unique liant, ce peu de chose : la ressemblance. Posée « en regard » de son modèle (le poisson fossile d’abord, mais par la suite tout autre objet ou fragment de la réalité), la peinture doit trouver sa place, donc sa légitimation, dans ce non-lieu que le lien vague de la ressemblance instaure.

 

C’est la nostalgie de l’origine et de l’immédiat. Elle se dépose sur les choses comme la poussière des greniers et des vieux tiroirs. Figurant la nuit qui dispose la boîte et dispose d’elle, ces points aveugles donnent à voir ou plutôt à imaginer ce qui est à l’œuvre dans un espace décomposable et recomposable à volonté, ce qui se cherche par les moyens de la perte en simulant la perte de tout  moyen, ce qu’il y a de désarmé et de désarmant dans l’art de Joseph Harb.

 

La nuit serait-elle une issue du regard ?

 

Jack Aswad

Mai 1998

 

 

Le Grand Rond, assemblage, mixed-media + acrylique, 57x100x30 cm, 1998

 

3 bouteilles, assemblage dans une boîte, mixed-media sur bois, 62x56x34 cm, 1998

 

Assemblage dans une boîte, mixed media + acrylique sur bois, 60x28x20 cm, 1995

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